Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/185

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mais le vent est revenu ; nous comptons aller mouiller aux îles du Cap Vert pour y déposer un pauvre Portugais jeté ici depuis cinq ans par son mauvais destin. Je lui rendrai sa famille, sa patrie et peut-être sa maîtresse ; c’est une bonne œuvre que je veux faire pour me rendre le ciel propice et pour qu’il me rende ce que j’aurai rendu.


Ce 23. — Le petit bâtiment marche à merveille et se soutient mieux qu’aucun que j’aie encore monté contre les gros temps et les vents contraires. La manœuvre se fait sans bruit, chacun sait sa place et sa besogne ; il ne me reste à désirer que du vent. Si nous en avons, nous verrons les îles du Cap Vert demain au soir ; mais le calme revient toutes les nuits et le vent ne se lève que vers huit ou dix heures. Mon aide de camp, mon secrétaire, mes nègres et jusqu’à la petite négresse que je mène à M. de Castries sont malades, mais par bonheur que mon maître d’hôtel commence à mieux aller, grâce à l’absence du chirurgien et à mes soins.


Ce 24. — Nous ne les verrons pas aujourd’hui, ces chères îles ; elles sont marquées sur les anciennes cartes plus près qu’elles ne sont, en effet, et la carte la plus récente faite par un très habile homme les porte à trente lieues plus loin. Mais cela n’allonge point ma route parce qu’il faudra même après me lever encore dans l’ouest pour aller chercher les vents variables, qui seront moins contraires que les vents alizés, dont on fait tant l’éloge, mais dont je ne puis dire que du mal puisqu’ils m’éloignent de ma bonne femme.