Page:Boufflers - Journal inédit du second séjour au Sénégal 1786-1787.djvu/44

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pourrais trouver quelque repos ; mais mon repos et en même temps mon intérêt, ou pour mieux dire toute ma vie ne sont et ne seront jamais qu’auprès de toi. Partout ailleurs je serai dans un élément étranger à ma nature.


Ce 30. — Point de nouvelles du Sénégal ni par terre ni par mer. En attendant, mon monde et moi nous manquons de tout et nous avons toujours les yeux tournés vers la mer pour voir si quelque bâtiment ne viendra point nous tirer de peine. Nous sommes comme saint Antoine et saint Pacôme en attendant le corbeau. C’était en Afrique ; mais les miracles ne durent pas toujours dans les mêmes lieux.


Ce 31. — J’ai déchiré par mégarde une page de la quatrième feuille. Pardonne-le-moi, chère enfant, et sois sûre que je t’en dédommagerai peut-être plus généreusement que tu ne le voudras. En attendant, si tu ne t’es point dégoûtée de lire de suite toutes mes lamentations répétées de mille manières, et, qui pis est, souvent de la même, tu apprendras avec plaisir que ce pauvre Villeneuve vient d’arriver, plus gai, plus frais, plus tranquille, que s’il sortait de chez ses parents. Il est prêt à repartir après-demain avec moi, par le même chemin. Il n’a reçu dans sa route que des hommages, au lieu des attaques que je craignais pour lui, et tout ce que je vois de lui m’annonce que je ne pouvais désigner personne de plus propre à l’entreprise étrange à laquelle je le destine. Il me rapporte beaucoup de lettres, que je n’ai pas encore lues, parce qu’il n’y en avait pas une de toi. Mais, à son départ, il a vu arriver d’Europe