Page:Boufflers - Oeuvres - 1852.djvu/131

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Monghir était depuis trois jours assise au bord du lac, le dos appuyé contre l’arbre, jeûnant, priant, grossissant le lac de ses larmes ; elle tenait ses mains pures élevées vers le ciel, qui voit tout ; et tous les yeux du ciel qui s’arrêtaient sur Monghir paraissaient briller d’une douce compassion.

Monghir était belle aux regards qui lisent dans les âmes ; le grand Indra lui-même la distinguait entre les créatures humaines, et Chacta, la déesse de la vertu, habitait l’âme de la pénitente ; la noble Sarisotani, la conservatrice de toutes les belles pensées, lui avait infusé la science ; Satya, la vénérable déesse de la vérité, avait fait luire en elle cette lumière ineffable dont les moindres reflets conservent encore trop d’éclat pour des yeux mortels ; et l’esprit de Monghir, portésurles ailes des bons génies, entre la région des nuages et celle des astres ; pouvait tour à tour admirer la sagesse du Créateur et les merveilles de la création. Les habitants des plaines de la lumière, les Péris, les Nevis, les Vritraspati, conversaient avec la sage Monghir, et lui révélaient des choses que les mortels ignorent Les hommes, les femmes, les sages mêmes, et jusqu’aux prêtres et aux prêtresses de Brahma, auraient pu envier les dons célestes de Monghir, et cependant Monghir n’était pas heureuse.

Monghir méprisait les richesses et les grandeurs qui plaisent aux âmes ordinaires ; deux filles dignes d’elle, t’ravir et Méva, étaient les seuls biens terrestres qu’elle daignât priser : elle les aimait également ; mais elle n’était pas sûre d’être également aimée, et son âme, sainte comme les eaux du Gange, était en proie à une douleur qu’elle ne pouvait déposer que dans le sein de ses amis invisibles. Brahma, touché de sa peine, a inspiré à la belle Pravir, la fille trop froide d’une mère trop tendre,