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ALINE.

de cette réception ; au reste, elle me reçut fort bien, et je n’eus à me plaindre que de n’avoir pas vu son visage, que je mourais d’envie de voir, d’abord parce qu’on le disait fort beau, ensuite parce que tout ce qui appartient à une grande reine est fort curieux.

De retour chez moi, je trouvai un officier qui me proposa de me faire voir le lendemain les jardins et le parc qui environuaient le palais ; j’acceptai la partie : nous nous levâmes avec le soleil ; on me mena, par de superbes allées, dans une espèce de bois touffu, où les myrtes, les acacias et les orangers mêlaient leurs odeurs et leurs feuillages. Nous trouvâmes un cheval attaché à un de ces arbres : mon guide sauta légèrement dessus, et, ayant sonné une fanfare avec une trompe qu’il portait sur lui, il s’enfuit à toute bride. Je suivis la route où j’étais, très-étonné de la conduite de cet officier, et ne pouvant concevoir qu’il y eût un pays où ce fût l’usage de mener perdre les étrangers au lieu de les mener promener. Mais quelle fut ma surprise quand, arrivé à la lisière du bois, je me trouvai dans un lieu parfaitement semblable à celui où j’avais jadis connu pour la première fois Aline et l’amour ! C’était la même prairie, les mêmes coteaux, la même plaine, le même village, le même ruisseau, la même planche, le même sentier : il n’y manquait qu’une laitière, que je vis bientôt paraître avec des habits pareils à ceux d’Aline et le même pot au lait. — Est-ce un songe ? m’écriai-je ; est-ce un enchantement ? est-ce une ombre vaine qui fait illusion à ma vue ? — Non, me dit-elle ; vous n’êtes ni endormi ni ensorcelé, et vous verrez tout à l’heure que je ne suis point un fantôme. C’est Aline, Aline elle-même qui vous a reconnu hier, et qui n’a voulu être connue de vous que sous la forme sous laquelle vous l’aviez aimée. Elle vient se délasser