Page:Bougeart - Marat, l’Ami du peuple, t. 1, 1865.djvu/410

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
400
JEAN-PAUL MARAT.

fuite (17-18 avril) il avait bien le droit d’écrire : « Citoyens inconsidérés, qui répétiez lâchement les sornettes contre-révolutionnaires, vous voilà réduits à répéter aujourd’hui les inculpations dont vous fîtes si longtemps un crime à l’Ami du peuple. Jusques à quand insulterez —vous au seul de vos défenseurs qui sache juger les hommes, au seul qui n’ait jamais cessé un instant de veiller pour vous, au seul qui se soit immolé à votre salut ? (L’Ami du Peuple, N° 434.)

C’est à propos de cette affaire que le roi se plaignait qu’il n’avait pas de quoi se promener à son aise dans le jardin des Tuileries ; le paria politique répondait : « Grand Dieu ! que dirait Louis XVI s’il était réduit à habiter un souterrain comme l’Ami du peuple, et s’il y était réduit pour avoir voulu et vouloir encore sauver la patrie ? Or, l’Ami du peuple, tout préjugé à part, croit valoir un peu mieux que Louis XVI. » (Ibidem, N° 438.) Se croire comme intelligence, comme courage, comme loyauté, comme dévouement à la chose publique, au-dessus d’un tel roi ! Présomptueux Marat !

A partir du 28 mai 91, jour du décret rendu pour la réunion des assemblées électorales qui procéderaient à la nomination des députés à la Législative, l’Ami du peuple prit une détermination qui fait frémir, quand on songe aux haines individuelles qu’elle dut armer contre lui ; ce fut de dénoncer dans sa feuille tous les citoyens suspects qui se présentaient comme électeurs. Il donnait leur nom, leur adresse, et il intitulait ces listes comme celle-ci, par exemple : « Liste des aristocrates pourris de la section du Théâtre-Français. » (Ibidem, N° 496.) Nous ne croyons pas qu’il y ait plus grand courage que celui qui soulève contre soi non pas seulement un homme puissant comme Lafayette, mais de simples particuliers presque assurés de l’impunité de leur assassinat par l’adhésion tacite qu’y donnera l’autorité.

Mais nous voici arrivé à la fatale époque, nous touchons