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JEAN-PAUL MARAT.

A partir de ce moment les thermidoriens n’y mirent plus tant de mesure, on avait deviné l’adhésion secrète des autorités. Alors ce fut à qui enchérirait. On vit, dans les rues, des enfants promener triomphalement le buste, ou je ne sais quel mannequin grotesquement affublé, le barbouiller de sang, le souiller de toute espèce d’outrages, le brûler sur la place publique, aux applaudissements frénétiques de la jeunesse dorée, et finalement précipiter les cendres dans un égout de la rue Montmartre, en criant : Marat, voilà ton Panthéon ! Et le Moniteur lâchant son coup de pied : « Les citoyens du faubourg consacraient par leurs applaudissements cette exécution burlesque du jugement de flétrissure depuis longtemps porté par la raison publique, » (5 février 1795.) Quelques modernes ont amplifié sur ce texte, et ont affirmé que le corps de l’Ami du peuple avait été jeté dans le réceptacle d’immondices. Alors coururent dans Paris les vers suivants :


Appui de l’assassin, opprobre de la Francs,
J’ai plongé le poignard au sein de l’innocence,
Dans les plus grands forfaits je me suis fait un nom.
Tassant, les Jacobins m’ont mis au Panthéon.


Les Jacobins ! Et Marat fut panthéonisé après thermidor !

Ailleurs, à la porte d’un droguiste, on voyait pendre l’effigie. On fit aussi force anagrammes ; dans Jean-Paul Marat, l’Ami du peuple, un bel esprit trouva : Va, animal maudit par le peuple. Et toujours le Moniteur : « Croyons que cette manifestation éclatante de l’opinion nationale ne contribuera pas peu au succès de la paix. »

Vinrent encore les accusations les plus incroyables ; c’est dans ce bourbier que les historiens ont puisé leurs argumentations antimaratistes. Un sieur Henriquez, par exemple, prétendit prouver dans une brochure que l’Ami du peuple n’avait jamais été qu’un royaliste. N’est-ce pas le cas de