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LES RACINES DU RÉGIME DES CASTES

hindoues, nous reconnaissons encore les idées primitives, portées seulement à leur plus haute puissance.


On refusait donc avec raison d’attribuer aux calculs intéressés, aux artifices, à la conspiration des Brahmanes, la création du système des castes : il naît et grandit en effet par le concours de tendances collectives et spontanées. Mais on craignait à tort d’exagérer la mainmise de la religion sur l’âme hindoue : ces tendances obéissent, pour la plupart, à l’influence ancienne de pratiques religieuses. En vain a-t-on essayé d’expliquer, par le perfectionnement des procédés industriels, ce qui ne pouvait être expliqué que par la survivance des rites. Déjà il était difficile de rendre compte, par les seules exigences de l’industrie, de la spécialisation héréditaire. À fortiori ne pouvait-on découvrir de ce même côté le principe de l’opposition des castes ou celui de leur superposition. C’est l’habitude du culte fermé des premiers groupes familiaux qui empêche les castes de se mêler : c’est le respect des effets mystérieux du sacrifice qui finalement les subordonne à la caste des prêtres. L’examen sociologique de l’Inde, bien loin d’apporter une confirmation aux thèses de la philosophie de l’histoire « matérialiste », tendrait donc plutôt à confirmer ce que les plus récentes recherches sociologiques démontrent de toutes façons[1] : le rôle prépondérant que joue la religion dans l’organisation première des sociétés.

Il importe en effet de le rappeler : si le régime des castes, tel que nous l’avons défini, ne porte tous ses fruits qu’en Inde, ce n’est pas dans le seul sol hindou qu’il plonge ses racines. Ses idées génératrices ne sont

  1. V. Année sociol., II, préface.