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LA CASTE ET LA RÉVOLUTION BOUDDHIQUE

Ce n’est pas qu’il faille s’attendre à trouver, dans l’histoire de la civilisation hindoue, l’espèce de monotonie qu’annonçaient les premiers chercheurs. Au temps où Sumner Maine attirait l’attention des sociologues sur les phénomènes qu’il avait pu observer de visu, et signalait entre telles parties du présent de l’Inde, et telles phases de notre passé, d’instructives analogies, il était de mode d’opposer, à la mobilité progressive de l’Occident, l’immobilité hiératique de l’Orient.

Mais au fur et à mesure que s’enlèvent les voiles qui recouvraient leur histoire, les sociétés orientales ne se montrent-elles pas, elles aussi, mobiles et capables de métamorphoses ? Dans l’Inde, en particulier, si rares et si vacillantes encore que soient les lueurs projetées sur la route que la civilisation y a suivie, les plus récents historiens croient discerner une évolution dont les grandes périodes rappellent les périodes de la nôtre[1]. Ils y reconnaissent une Antiquité et un Moyen Âge, une renaissance et un âge classique. Ils y signalent l’apparition de formes sociales analogues à celles qui se sont succédé en Occident. Le Radjpoute dans son château-fort, avec les vassaux qui le défendent de leurs épées et les serfs dont la charrue l’entretient, n’est-il pas le frère lointain de nos barons ? Akbar recevant les hommes de sa noblesse de cour et correspondant avec ses gouverneurs de province ne nous apparaît-il pas comme un autre Louis XIV ? Ainsi l’Inde a connu les petites seigneuries féodales comme les grandes monarchies administratives.

  1. C’est ce que s’est efforcé de mettre en relief M. de la Mazelière dans le livre cité plus haut.