Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/134

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
114
LA VITALITÉ DU RÉGIME

dans les cérémonies du sacrifice a pu faire descendre de quelques rangs certaines sections de Brahmanes ou de Kshatriyas. Inversement, les Awadhias Kurmis, dans le Bihar, se sont élevés au-dessus du commun des Kurmis grâce au zèle avec lequel ils ont interdit chez eux le remariage des veuves[1].

Ailleurs, c’est le changement de croyances qui détermine une subdivision : en d’autres termes, les sectes finissent par se constituer en autant de castes. Ainsi en est-il arrivé des Atiths et des Gosains au Bengale, des Bishnois dans les Provinces centrales[2]. Le phénomène est d’autant plus remarquable qu’il arrive assez souvent – nous l’avons vu – que les sectes en principe semblent égalitaires[3] ; elles commencent par protester contre les divisions que les scrupules de caste, entretenus par le brahmanisme, imposent au peuple hindou. Mais aujourd’hui comme autrefois, le génie de la caste est le plus fort : il fait accepter tout son système d’interdiction des groupes mêmes qui se sont dressés contre lui.

Au surplus, sans changement de coutumes ni de croyances, le simple déplacement suffit à entraîner des créations de castes. Entre le groupe qui a émigré et celui qui est resté au lieu d’origine, les rapports se relâchent. On ne se connaît plus : il deviendra de moins en moins facile de contracter mariage d’un groupe à l’autre. Ainsi quand les Khedawal Brahmanes du Gujarat s’établirent en Damoh, la caste-mère fit des difficultés pour leur donner ses filles[4]. C’est qu’en des cas pareils, expliquait un indigène, il devient difficile au membre d’une caste qui se présente pour prendre femme de prouver son identité, la pureté de sa généalogie. Par cela même qu’il

  1. Risley, India (Census 1901, I) p. 521. — Cf. Central Provinces (vol. XIII, rapport de M. Russell), p. 185.
  2. Rapport de M. Gait, Census, VI, p. 361.
  3. M. Risley, après avoir énuméré les échecs des réformateurs égalitaires, conclut : « La race domine la religion ; la secte est plus faible que la caste » (India, p. 523).
  4. Central Provinces, XIII, p. 156.