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LES EFFETS

que très tôt les compensations pécuniaires allèrent au Brahmane. De même que dans le repas funèbre il siège à la place des parents morts dont l’ombre est censée se tenir derrière lui 372, il se substitue, pour la perception de l’amende, à la famille lésée. Délégations significatives : sans briser les sphères familiales et sans les amener à s’entrepénétrer, le brahmanisme a trouvé moyen de les faire graviter toutes ensemble autour de lui. Grâce au prestige de ses prêtres, les Hindous n’ont pas eu à chercher, comme il est arrivé en d’autres pays, des arbitres d’occasion pour les départager 373. Plus divins que les Brehons d’Irlande, représentants d’une tradition qu’eux seuls avaient le droit d’interpréter, les Brahmanes possédaient toutes les qualités nécessaires pour élever le droit hindou à la deuxième phase, et pour établir, sur les seules bases de la religion, une espèce de vindicte publique, aux lieux et place de la vindicte privée des collectivités primitives.

Mais d’ordinaire cette phase n’est qu’une transition. La religion, comme disait M. Glotz, fait l’intérim. Bientôt on la voit passer la main au pouvoir de l’État qui, en recevant le droit sous sa coupe, l’adapte à ses besoins et à ses habitudes propres, et en l’émancipant s’émancipe à son tour : rien de pareil ne devait se produire en Inde. On peut dire de l’évolution de son droit ce qu’on a dit du mouvement de toute sa civilisation : grâce au régime des castes, elle s’élève assez vite au-dessus de la barbarie, mais sa croissance ultérieure en est bientôt empêchée. Elle est victime d’une sorte d’arrêt de développement ; elle est comme pétrifiée dans une attitude dépassée ailleurs. Le droit hindou devait conserver sa couleur religieuse, précisément parce qu’en face du pouvoir de la caste sacerdotale aucun pouvoir politique ne se cons-

I. Jolly, R. u. S. p. 127. Galand, Altind. Ahnencult» p. i44. Senart, ouvr. cit., p. a 16.

a. Kovalewsky, ouvr. cit. y p. 3i5 sqq.