Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/247

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trouver un gagne-pain. J. Mill 467, préoccupé des théories de Malthus, relevait à ce propos une influence néfaste du régime des castes sur les mouvements de la population. Par ses règles concernant le culte des ancêtres et le mariage précoce, il pousse celle-ci à un accroissement sans mesure, en même temps que, par ses règles concernant la spécialisation professionnelle, il la répartit d'avance entre des cadres trop rigides. Que sur un tel point ou tel autre, par suite d'un encombrement de population, le cadre devienne trop étroit, la tradition ne veut pas cependant qu'on le brise. Et ainsi elle condamne à une mort rapide ceux-là mêmes qu'elle a en trop grand nombre appelés à la vie.

Il est trop clair, en effet, que lorsqu'on vante, dans la division du travail, une issue à la gêne développée par l'accroissement de la densité sociale, on entend surtout alors par division du travail la création de spécialités nou­velles : on suppose une mobilité sociale assez grande pour que les individus, n'hésitant pas à changer de métier, puissent se porter vers les nouvelles spécialités créées. Or ce sont ces innovations, comme ces mobilisations, que le régime des castes tend à empêcher en principe. En fait, il ne les empêche pas absolument sans doute : du moins est-il capable de les entraver considé­rablement, et par là, de retarder le progrès en même temps que de limiter la prospérité économique.

Par un autre côté d'ailleurs, selon J. Mill, le régime ferait aussi directement obstacle à la prospérité et au progrès : ce n'est pas seulement qu'il enferme, au risque d'encombrer telle carrière, les races dans les métiers traditionnels, c'est encore – par une voie toute contraire – qu'il empêche les individus de con­courir. Rien ne prouve après tout, nous l'avons vu, que le fils soit toujours désigné par la nature pour tenir la place et remplir la