Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/249

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d'une manière plus générale, c'est en s'opposant à tels renouvellements de l'organisation sociale qui sont à leur tour, pour le progrès économique, des conditions nécessaires.

Aucun système ne pouvait être mieux conçu pour enrayer les effets normalement attendus de la division du travail. Emprisonnée dans ces bande­lettes sacrées elle est incapable, soit de tisser entre les segments sociaux qu'elle spécialise une solidarité nouvelle, soit d'ouvrir un nouveau champ à l'essor des individualités.

Le rôle de la division du travail, nous disait-on 470, est précisément de subs­tituer, à une « solidarité mécanique » qui opprime l'individu, une « solidarité organique » qui le libère. Là où une grande variété d'occupations nouvelles différencie les idées comme les activités des hommes, l'ensemble social n'apparaît plus composé de ces segments homogènes qui, en raison même de l'uniformité des activités et de l'unanimité des idées, restaient fatalement oppressifs, exclusifs de toute hérésie, de toute dissidence, de toute innovation. Mais encore faut-il – non seulement pour qu'entre des membres de clans différents des commerces s'instituent, mais pour qu'à l'intérieur d'un même clan les diversités soient tolérées – que ces barrières primitives s'abaissent et que les cadres des groupements politico-familiaux se prêtent aux élargisse­ments. L'affranchissement des individus est au prix de l'effacement de la structure segmentaire des sociétés.

Or c'est précisément cette structure que le régime des castes consolide, bien loin de l'ébranler. Quand la division du travail s'allie à ce régime, elle ne brise pas, elle emprunte, au contraire, pour s'y couler, les moules préparés par les clans. Le milieu fonctionnel ne se distingue pas nettement ici du milieu natal. Tout est mis en œuvre au contraire pour maintenir leur coïncidence. L'organisation