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Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/261

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des pierres assemblées, des murs, des entrepôts, des marchés, il y faut encore et surtout un esprit municipal. Ce n'est pas la ville qui importe, c'est la cité.

Les villes n'impriment leur cachet à la civilisation tout entière que si elles forment d'abord des espèces de centres autonomes et capables de coordonner leurs activités : si, en un mot, leur population sait se donner l'unité nécessaire pour sauvegarder la bienfaisante indépendance. Mais c'est précisément à quoi s'oppose la caste, « le plus fort principe de désintégration auquel l'humanité ait jamais été soumise, et qui ne cesse pas, en Inde, de diviser le peuple contre lui-même » 495.

Par où l'on se rend compte que la caste double en quelque sorte les incon­vénients de la ghilde. Les deux organes sont souvent appelés à jouer le même rôle, au point qu'on a pu les confondre. Comme la corporation de notre Moyen Âge, la caste n'est pas seulement une institution de secours mutuels – à sa manière, elle rend inutile, dit M. Hunter, toute poor law –, elle n'est pas seule­ment un organe de contrôle, qui maintient les traditions techniques, elle apparaît aussi parfois comme un organe de défense, capable d'empêcher, s'il y a lieu, l'abaissement des rémunérations. Mais ces attributs économiques rendent-ils compte de son essence ? Ils ne sauraient expliquer ni la hiérarchie consacrée qui superpose les castes, ni même la répulsion mutuelle qui les oppose. Il faut ici faire entrer en ligne de compte, nous l'avons vu, la conspiration des instincts ethniques et des traditions religieuses. C'est la présence active de ces antipathies et de ces scrupules qui condamne la société hindoue au morcellement à l'infini.

C'est ce qu'on n'aurait pas constaté sans doute si la caste n'avait été autre chose qu'une ghilde. « L'institution aurait eu moins de tendance, remarque M. Senart, à se morceler, à