Aller au contenu

Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/27

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
7
ESSENCE ET RÉALITÉ DU RÉGIME DES CASTES

distinctions correspondent encore, en gros, aux degrés d’une hiérarchie, il est difficile de le contester. Si les lois n’avouent plus l’existence des classes, les mœurs la manifestent clairement : elles sont loin d’attribuer aux différentes catégories de citoyens le même coefficient de « considération » ; et cette considération se traduit, sinon par des privilèges déclarés, au moins par des avantages indéniables[1]. La spécialisation héréditaire, enfin, est loin d’avoir complètement disparu. Il y a toujours des villages où la même industrie s’exerce depuis des siècles[2] ; le nombre des métiers monopolisés par telle ou telle race est encore considérable[3] ; et les cas où le père transmet, avec sa fortune, sa profession à son fils, semblent de plus en plus fréquents[4].

    « crise de l’enseignement secondaire », c’est ce que différents observateurs ont mis en évidence. V. par exemple Langlois, La question de l’enseignement secondaire dans la Revue de Paris des 1er et 15 janvier 1900.

  1. Voir Goblot, Revue d’économie politique, janvier 1899. Une bonne définition de la classe reste d’ailleurs à trouver. Le difficile, quand la hiérarchie sociale n’est plus consacrée par le système juridique, est de discerner les signes distinctifs auxquels les classes se reconnaissent. On a cherché quelquefois dans les diverses professions les centres des classes. Mais si cette définition convient, partiellement, aux castes, il semble qu’elle soit pour les classes décidément trop étroite (voir dans l’Année sociologique, t. VI, pp. 125-129, la critique du livre de M. A. Bauer sur les Classes sociales, Paris, Giard & Brière, 1902). Il faut évidemment faire entrer en ligne de compte, pour la différenciation des classes, à côté des spécialisations professionnelles, les différences de niveau économique. Mais ces différences elles-mêmes demandent à être, selon les cas, estimées de différentes manières. Si dans les classes aisées c’est la dépense plus ou moins fastueuse qui marque les rangs, ailleurs les différences de salaire semblent suffire à classer les gens (voir à ce propos, dans la Revue de métaphysique et de morale, 1905, p. 890-905, les remarques suggestives de M. Halbwachs sur la Position du problème sociologique des classes. L’auteur y résume et critique les théories de Schmoller, de Sombart et de Bücher).
  2. Par exemple, chez nous le village de Monistrol ou celui de Villedieu-les-Poêles.
  3. On en trouverait des exemples assez nombreux dans Auerbach, Les races et les nationalités en Autriche-Hongrie, Paris, Alcan, 1898, pp. 75, 119, 125, 209, 266.
  4. On trouvera, à ce sujet, dans la Revue de sociologie (année 1900) une instructive discussion. Elle montre que les cas où le père transmet son métier