Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/286

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le champ de leurs méditations se trouve comme rétréci par avance. Ils restent enfermés dans le cercle magique. Ils sont les prisonniers de leur noblesse intellectuelle. Appliquée aux réalités invisibles, leur réflexion se détournera naturellement des apparences. Ainsi spéculeront-ils à l'infini, sans faire une place suffisante à l'observation.

Pendant longtemps il a été de mode de louer l'apport scientifique de la civilisation hindoue. Si les Hindous n'ont pas observé la terre, ils ont du moins, disait-on, observé le ciel : leur astronomie a fait l'admiration des siè­cles. En réalité il semble bien que, même en cette matière, la contribution scientifique des Hindous se réduise à peu de chose 543. Au vrai, c'est surtout dans les sciences formelles que leur génie, sous l'influence du régime même qui gouverne leur vie intellectuelle, devait se développer. On rattachera aisément, par exemple, aux préoccupations brahmaniques, la science de la grammaire. C'est pour le Brahmane un devoir d'État que de bien parler le sanscrit. En outre les mots possèdent par eux-mêmes une sorte de caractère sacré. De la manière dont on les dispose ou dont on les prononce, le succès des opérations rituelles ne dépend-il pas ? Il n'était pas étonnant dès lors qu'on s'appliquât à la science des mots avec le soin minutieux dont témoigne la grammaire de Pânini 544.

D'une manière plus générale, la présence d'une tradition religieuse révérée devait donner à l'esprit hindou le goût de la littérature didactique. La classe privilégiée qui é