Page:Bouglé - Essais sur le régime des castes.djvu/288

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choses. Mais il est visible que, plus directement encore, c'est des faits observés que Thalès s'inspira. Ne le voit-on pas tirer de ses inductions un parti pratique, et monopoliser les pressoirs quand ses connaissances astrono­miques et météorologiques lui ont fait prévoir une récolte d'olives sura­bondante ? En même temps il se mêle à la vie politique, et il cherche, dit-on, à organiser une fédération des cités ioniennes. Astronome et ingénieur, marchand et homme d'État, aucune forme d'expérience ne lui reste étrangère 546. – L'Inde n'aura pas de pareilles histoires à raconter. Ses penseurs ne prêtent point l'oreille, eux, aux bruits des chantiers maritimes ou des places publiques. Ils restent enfermés dans leur caste, pour y dévider à l'infini le fil de leurs traditions précieuses.


Il va sans dire d'ailleurs qu'on se méprendrait étrangement à croire que l'âme hindoue se révèle tout entière dans les compositions du génie brahma­nique. Cette littérature de professionnels et d'initiés cache plus de choses qu'elle n'en montre. En dépit de la spécialisation traditionnelle, les prêtres-nés ne sont pas seuls à penser. Il viendra forcément une heure où prose et poésie traduiront d'autres aspirations et d'autres habitudes que celles qui sont propres à la classe sacerdotale.

Et d'abord, pour la vie religieuse elle-même, il y a d'autres foyers que les écoles brahmaniques. Croire qu'elles imposent à la masse une foi toute faite, que seules elles auraient élaborée, c'est se tromper du tout au tout. En dehors de leurs traditions et de leurs spéculations, les croyances spontanées ne cessent de pulluler. Et autour de ces croyances les sectes se multiplient. Plus « populaires », elles ramèneront en quelque sorte sur la terre, pour leur