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ESSENCE ET RÉALITÉ DU RÉGIME DES CASTES

cins. Or, c’est à peine si le tiers d’entre eux pratiquent la médecine : beaucoup sont maîtres d’école, fermiers, intendants[1]. Parmi les Sunris, que la tradition désigne comme les fabricants de liqueurs, on trouve, dans certaines provinces, des charpentiers et des couvreurs, ailleurs des marchands de grain. Si les Doms sont pêcheurs en Assam, ils sont cultivateurs en Kachmir, et maçons en Kumaon[2]. Les Kansaris et les Sankaris sont employés comme domestiques, bien qu’ils appartiennent théoriquement aux castes commerçantes[3]. Chez les Kaibarttas du Bengale, si les Mechos sont restés pêcheurs conformément à la tradition, les Hélos sont passés à la culture[4]. On compte d’ailleurs aujourd’hui beaucoup plus de cultivateurs et beaucoup moins de pasteurs qu’il ne devrait y en avoir si les divisions consacrées étaient respectées[5]. Le système de la spécialisation héréditaire comporte donc, en Inde, beaucoup plus de mobilité qu’on pouvait le croire à première vue[6].

  1. Risley, The Tribes and Castes of Bengal, I, p. 49. Gait, Bengal Report (Census of India, 1901, vi). p. 351.
  2. Risley, loc. cit., I p. 380.
  3. Jogendranàth Bhattacharya. Hindu Castes and Sects, p. 809.
  4. Risley, Ibid., I, p. lxxii.
  5. Les castes proprement agricoles ne compteraient que 6 millions ½ de membres. On en compte 34 millions ¾ d’agriculteurs. Inversement, les castes de pasteurs comprennent 5 millions ½ de personnes. Or on n’en trouve plus que 337 000 environ qui se consacrent aux occupations pastorales. Cf. Crooke, op. cit., I, p. cxlx.
  6. M. Enthoven, analysant la situation dans la province de Bombay, (Census of India, 1901, ix, p. 209, 220) fait observer que 22 pour 100 seulement des Brahmanes y restent attachés à leurs fonctions traditionnelles. On en trouve malgré les prohibitions classiques 47 pour 100 dans l’administration et dans l’agriculture, 5 pour 100 dans les services d’alimentation. Parmi les Vanis, qui correspondent à peu près aux Vaiçyas de la tradition, 25 pour 100 sont occupés dans le commerce, 39 pour 100 dans les services d’alimentation, 10 pour 100 fabriquent des draps et des vêtements, 3 pour 100 sont agriculteurs, 2 pour 100 ont trouvé une place dans l’administration. M. Sylvain Lévi (Le Népal, Étude historique d’un royaume hindou. Paris, Leroux, 1905, I, p. 246) fait remarquer que dans bien des cas la caste « réserve » plus qu’elle n’« impose » une occupation à ses membres — surtout, ajou-