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LA SPÉCIALISATION DES CASTES ET LA GHILDE

delées sur le type des vieilles corporations romaines[1] ? et celles-ci à leur tour sur le type de la gens ? « Une grande famille, dit M. Waltzing[2], aucun mot n’indique mieux la nature des rapports qui unissaient les confrères », et c’est « à l’image de la famille » que la corporation professionnelle institue son culte, ses sacrifices, ses repas communs, ses sépultures. En ce sens, jusque dans les « fraternités » professionnelles se retrouvaient des traces de l’esprit de la gens[3].

Non qu’il faille admettre que la tradition antique s’est réveillée toute seule, après des siècles de sommeil, pour susciter les ghildes et les créer de toutes pièces[4] ; mais quand, par les progrès de la vie économique, le besoin des ghildes s’est fait sentir, c’est peut-être cette tradition qui a déterminé la forme de l’organe demandé. Les survivances de la religion familiale, non les exigences de l’industrie, seraient alors responsables des traits qui font ressembler la ghilde à la caste.


Si déjà il est impossible de rendre compte, par les seuls phénomènes économiques, de l’empire de la ghilde sur ses membres, a fortiori le sera-ce pour la caste, dont les attributions restent, nous l’avons vu, singulièrement plus étendues. Cette impossibilité éclatera si l’on essaie d’expliquer un à un, par les conséquences de l’évolution industrielle, les trois caractères dont la synthèse nous a paru donner sa physionomie propre au régime des castes – la spécialisation héréditaire, la hiérarchie stricte, la répulsion mutuelle.

La spécialisation héréditaire semble le plus aisément

  1. Cf. Gasquet, Institutions politiques de l’ancienne France, II, p. 240-243.
  2. Les Corporations professionnelles chez les Romains, I, p. 329.
  3. Waltzing, op. cit., p. 76, 166, 284. Cf. Hearn, The Aryan Household, p. 308-311. Brentano, On Gilds and Trade Unions, p. 16.
  4. Ashley, op, cit., I. p. 104, dénonce avec raison l’exagération de cette thèse.