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LES RACINES DU RÉGIME DES CASTES

ne faut pas que le souci de la précision nous masque la généralité des coutumes. Celles qui interdisent le mariage, la communion et parfois le contact entre groupes étrangers sont trop répandues pour que nous admettions que seule une influence aryenne était capable de les imposer aux Hindous. Nous ne devons donc accepter la thèse qu’en l’élargissant : s’il est vrai que la caste dérive de la famille, rien ne prouve qu’elle n’ait pu dériver que de la famille aryenne.

Et encore, lorsque nous admettons que la caste dérive de la famille, il faut s’entendre ; il ne faut pas prendre le terme de famille au sens étroit et précis qu’on lui attribue d’ordinaire. On s’abuserait si l’on tenait dès à présent pour démontré que les membres d’une même caste descendent d’un même ancêtre et sont en réalité consanguins. Le sentiment d’une parenté a dû présider à l’organisation d’une caste : cela seulement est démontré. Mais qui dit parenté ne dit pas forcément consanguinité. La parenté ne semble-t-elle pas souvent dériver, selon les idées primitives, de l’accession à un même culte, ou de la seule identité des noms, ou même de la simple cohabitation[1]. ? Il se peut donc que la caste ait été originellement formée de membres appartenant, en réalité, à des lignées différentes. Et même nous devons, si nous voulons nous représenter le groupe générateur d’une caste, le chercher non pas parmi les groupements étroits et simples de consanguins, mais parmi les groupements larges et composites de parents. Il est plus aisé, de la sorte, d’éviter certaines objections auxquelles on se heurterait, si l’on voulait dériver immédiatement la caste de la famille stricto sensu.

Par exemple, on a depuis longtemps fait remarquer que

  1. M. Durkheim a souvent attiré l’attention gur ces faits dans l’Année sociologique, I, p. 307-332 ; II, p. 319-323