Page:Bouglé - La Démocratie devant la science, 1904.djvu/109

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frappantes, à vrai dire, dans le cas des aristocraties proprement dites ou des monarchies héréditaires. Une main débile portant le sceptre, ou une tête faible portant la couronne prouvent trop clairement qu’une société n’est pas organisée conformément au vœu de la nature. Mais, là même où il n’y a plus de privilèges légaux, le seul privilège effectif de la richesse héritée suffit à rendre des disproportions analogues assez fréquentes. Et sans doute nos sociétés ont élevé, autour de certaines fonctions directrices, un certain nombre de barrières ; avant de permettre qu’on exerce ces fonctions, elles réclament l’acquisition de certains titres, elles exigent la preuve d’un minimum d’efforts personnels. Mais on sait aussi que, même alors, les choses portent l’homme. La richesse facilite ou épargne les efforts. Le prestige abaisse les barrières. Celui qui devait être abaissé par ses facultés est relevé par ses propriétés. Elles le soustraient à la lutte, elles le retiennent sur la pente. Ainsi le même régime qui use trop vite des éléments qu’il devrait conserver conserve trop longtemps des éléments usés.

III

Si nous poursuivions d’ailleurs les effets que ce régime produit, non plus sur les classes possédantes, mais sur les non-possédantes, l’optimisme anthroposociologique nous paraîtrait sans doute encore plus intenable.

Le prolétaire est celui qui n’a que son travail pour vivre, et qui est souvent obligé, pour vivre, d’accepter n’importe quel travail. Les conditions de vie que cette situation économique impose sont-elles favorables à la vitalité ? On ne pourrait l’affirmer sans paradoxe. S’il semble douteux que l’exercice des fonctions sociales qui leur sont réservées exténue les classes privilégiées par le surmenage mental, il ne semble