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CHAPITRE I

DIFFÉRENCIATION ET PROGRÈS

Parmi les formules que le prestige de l’évolutionnisme fait accepter à l’opinion, il n’en est pas qui semble moins discutable que celle qui nous occupe : « la différenciation est la mesure de la perfection. » Beaucoup croient tenir, dans cette formule, la clef du problème autour duquel tant de systèmes philosophiques se sont usés vainement : ils pensent posséder enfin un signe objectif du bien et du mal, un « mètre du progrès[1] » qui sorte directement des mains de la science.

Et de fait, nous avons vu que les sciences naturelles paraissent user largement de la formule en question. Ne présentent-elle pas d’ordinaire l’évolution comme un progrès, par cela même qu’elle accroît la différenciation des êtres ?

La classification qui va, dans l’ordre des végétaux, des algues aux fougères, des fougères aux phanérogames, des phanérogames aux gymnospermes et aux angiospermes, dans l’ordre des animaux, des poissons aux amphibies, des amphibies aux reptiles, des reptiles aux oiseaux, des oiseaux aux mammifères, passe le plus souvent pour marquer, en même temps que les divisions de la nature, les degrés d’une hiérarchie. Si descendance il y a des premières espèces aux dernières, cette descendance est une ascension. Il semble que tous les naturalistes soient d’accord sur ce point.

  1. C’est l’expression de M. de Greef, Transf. soc., p. 394.