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Page:Bouglé - La Démocratie devant la science, 1904.djvu/136

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si l’on se rappelle de quelle façon se nourrissent les animaux supérieurs, profitant de l’élaboration que les végétaux ont fait subir aux matières inorganiques, et souvent aussi de l’élaboration que d’autres animaux ont fait subir aux matières végétales, on pourra soutenir qu’ils surviennent, dans l’ordre de la nature, moins comme des producteurs que comme des consommateurs, sinon comme des parasites. En tout cas, ils font peu, par eux-mêmes, pour entretenir ce retour à la matière des éléments utilisés par les organismes, cette « rotation continue » qui est, comme on l’a bien des fois démontré, nécessaire à la perpétuité de la vie sur la surface du globe[1]. Ce sont les levures, les mycodermes, les ferments de toutes sortes qui se chargent de cette opération, indispensable au renouvellement général. Et c’est pourquoi, en même temps que les grands destructeurs, on peut soutenir que ces infiniment petits sont les grands producteurs, les éternels préparateurs de la vie. Supprimez du globe les espèces supérieures, chefs-d’œuvre de la différenciation, la vie générale continue. Supprimez-en au contraire ces minuscules organismes, peu différenciés pour la plupart, le circulus de la matière, et avec lui la vie s’arrête. C’est pourquoi il serait difficile de soutenir que les résultats de leur travail sont « faibles », « obscurs » ou « grossiers », que leur rôle dans l’univers manque « d’étendue ». Au prix de leur puissance infinie aujourd’hui révélée, qu’est-ce que la puissance de ces êtres compliqués que vantait naguère Milne-Edwards ?

Mais, dira-t-on enfin, comme Milne-Edwards le notait lui-même, ce qui contribue à donner aux êtres animés un rang plus ou moins élevé, c’est la « qualité » plus que la « quantité » des produits de la machine vivante. S’il prise par-dessus tout les facultés des êtres différenciés, c’est moins

  1. Cf. Encyclopédie chimique. — Chimie biologique, t. IX, par M. Duclaux, p. 14-17.