vation : ce monde artificiel leur semblait sans doute incapable de révéler les lois naturelles. Darwin a le mérite de ne rien négliger au contraire de ce que lui révèle l’expérience des cultivateurs ou des éleveurs, et en ce faisant, il n’est pas étonnant qu’il ait renouvelé la science naturelle : il la mettait ainsi à l’école de la méthode expérimentale.
Qu’y a-t-il donc, dans les enclos de l’homme, qui frappe l’attention des naturalistes ? C’est la présence de variétés de plus en plus divergentes et de plus en plus perfectionnées, descendues d’une souche commune. Par exemple les races de canards ou de lapins, de pigeons ou de chevaux vont chaque jour se différenciant, et il semble que cette différenciation puisse, au gré de l’éleveur, porter sur tous les organes, et jusque sur la conformation du squelette et du cerveau[1]. D’où vient cette « baguette magique » que semble permettre à l’homme d’appeler à la vie la forme qu’il lui plaît ?
L’homme ne crée rien, mais il peut choisir partout. Aucun des individus que produit la nature n’est absolument semblable aux autres. En retenant, pour en multiplier les exemplaires, ceux qui présentent à quelque degré le caractère ou la forme que son intérêt ou ses goûts demandent, l’homme devient capable de façonner les races. Son pouvoir sélectif tient à ce qu’il sait accumuler, pendant des générations, des variations de même sens. La sélection résulte donc ici d’une collaboration de la nature et de l’intelligence. La nature fourmi les types que l’intelligence trie, conformément à l’idéal qu’elle s’est fixé.
Mais là où il n’y a personne pour fixer l’idéal, comment le tri peut-il s’opérer ? Comment cette sélection artificielle peut-elle, par suite, nous aider à comprendre le processus de la sélection naturelle ? On voit bien que la nature n’attend pas l’homme pour produire des individus différents
- ↑ Darwin, Origine, p. 20-29. Weismann, Vorträge, p. 36-46.