Page:Bouglé - La Démocratie devant la science, 1904.djvu/42

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promulguent, ce sont des observateurs qui les enregistrent, gravées qu’elles étaient au cœur même de la nature. Jaillissant des faits comparés, et non plus de fins imaginées, comment ces vérités scientifiques ne transmettraient-elles pas, aux prescriptions pratiques qui en découlent, une valeur impersonnelle et universelle ? Quel plus sûr moyen, par suite, si l’on veut estimer les avantages ou les dangers de telle organisation sociale, que de rechercher si elle se plie ou non aux conditions inéluctables du progrès, telles que les a révélées l’étude impartiale des organismes ?

Tel est l’espoir qui a présidé aux diverses tentatives de la sociologie naturaliste. Et comme nous avons distingué, dans les théories biologiques contemporaines, trois idées maîtresses, ainsi pouvons-nous y faire correspondre trois tendances principales de cette sociologie. Tantôt elle appelle notre attention sur la nécessité de laisser faire en toute liberté, entre les membres des sociétés humaines, l’universelle concurrence ; elle peut prendre alors le nom de darwinisme social. Tantôt elle compare directement ces sociétés elles-mêmes à des organismes, et rappelle que celles-là comme ceux-ci doivent, sous peine de déchéance, se différencier de plus en plus ; c’est la théorie organique proprement dite. Tantôt enfin on met en relief la toute-puissance de l’hérédité, et on mesure ce que les sociétés perdent lorsqu’elles oublient ou refusent de séparer et de hiérarchiser leurs éléments suivant les races ; c’est ce que démontre surtout l’anthroposociologie.

Quelles sont donc les critiques scientifiques que la sociologie ainsi comprise adresse, au nom des lois de l’hérédité, de la différenciation, et de la concurrence au mouvement démocratique ? Nous nous proposons de les rappeler et de les discuter les unes après les autres.