tudes qui constituent l’habileté technique ne sauraient donc résister au transbordement de la génération ; en passant d’un organisme à l’autre elles se disloquent, et d’autant plus sûrement qu’elles sont plus compliquées. Une habitude comme celle de combiner des lettres d’imprimerie, d’agencer les pièces d’un mécanisme, ou de vérifier scrupuleusement une expérience ne se consolide pas en instinct. Aucun « geste héréditaire » ne correspond à l’exercice de semblables activités : il y faut l’intervention de l’intelligence qui est essentiellement renouvellement et adaptation. Or, à des degrés différents, toutes les professions en sont là, et surtout dans nos sociétés. De plus en plus l’homme reste l’ajusteur, c’est-à-dire l’être capable, pour répondre aux occurrences, de combiner ses aptitudes des façons les plus diverses. Mais les combinaisons qu’il élabore de la sorte, si elles se perfectionnent par l’habitude, sont choses trop complexes pour être transmises par l’hérédité.
« Pour qu’un caractère, écrit un défenseur du lamarckisme[1], puisse devenir héréditaire (encore ne le devient-il pas forcément même dans ce cas) il faut que ce caractère soit complètement fixé dans l’organisme des parents : si ce caractère est relatif à l’exécution d’une certaine opération, il faut donc que cette opération soit devenue tout à fait instinctive, ce qui n’a jamais lieu pour aucun métier humain, l’accomplissement de ce métier exigeant toujours, même pour les métiers les plus simples et les plus longtemps exercés, une part incontestable d’intelligence. » Ce n’est donc jamais l’aptitude au métier qui peut être héréditaire. Soutenir qu’il y a des hommes « cordonniers-nés » ou « magistrats-nés » c’est un agréable paradoxe : « l’hérédité est déjà quelque chose d’assez admirable pour qu’on ne s’avise pas de lui prêter une puissance encore plus grande ».
- ↑ Le Dantec, Traité de biologie, p. 515 (Paris, Félix Alcan).