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PRÉFACE

compte, pour la direction de notre enseignement, des besoins et des tendances de l’individu. « Au-dessus de l’individu, observe justement M. Fouillée[1], ne faut-il pas considérer la société et plus particulièrement la nation ? C’est ce qu’on néglige de faire. On a les yeux tournés vers l’intérêt des individus ou vers leur culture personnelle, littéraire et scientifique. On oublie de les remettre par la pensée dans le grand organisme spirituel dont ils seront les membres, d’y déterminer leur fonction vraie, et d’en déduire enfin le mode d’éducation qui leur convient. »

C’est ici qu’apparaît nettement le plus éminent service que pourra nous rendre la philosophie sociale. Car il est clair que si nous devons tenir compte, pour la direction de notre enseignement, des besoins et des tendances de la société même, encore faut-il que nous nous efforcions de déterminer ces tendances et ces besoins autrement que par nos préférences personnelles. Ce grand « organisme spirituel » dont on nous parle, il importe que nous l’ayons observé avec quelque attention, pour être à même de répondre à ses besoins essentiels. Si nous voulons voir se dessiner les tendances et se préciser l’idéal du groupe que nous devons servir, il ne nous suffira pas de rentrer en nous-mêmes et de nous replier, comme on dit, sur notre conscience : il nous faudra nous pencher avidement sur les réalités sociales, et comparer avec d’autres groupes, passés ou présents, le groupe auquel nous appartenons, afin de mieux déterminer sa place dans le monde, et sa fonction dans l’évolution humaine.

  1. Les Études classiques et la démocratie, p. 220