Aller au contenu

Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Il sait ses rapports de Dieu et du monde.

Il est certain que Dieu regarde, sage et ébloui. Des golfes tumultueux aux vallons, parmi le glacier et les caps de flammes, à travers les forêts en fleurs, la prairie, les montagnes livides, tout palpite, l’appelle et l’attend.

Tandisqu’il apparaît, l’aube bondit dans une nuée de foudre, le cœur du paysage frémit. Sa présence féconde comme celle du printemps. Tout tressaille, la montagne soulève ses herbages lourds. Il n’existe aucun être, aucune pierre, aucun végétal de qui sa beauté ne contente l’amour. Les oiseaux le sollicitent. Chacun anxieusement l’espéra, le soleil vacille et soupire.

— Des villes, des peuplades périssaient. — Cependant il les régénère. Des idées eussent été détruites, à qui il restitua un sens. Il ébranle l’inertie du sol, il lui insuffle un gémissement tragique. Il embellit les plus vaines aventures. Quiconque l’accompagne dompte des flux de fleurs. Sa pensée emplit d’un obscur vertige. L’aurore elle-même, parce qu’elle l’éclaire, s’effare. Jaillis de la joyeuse nature, il entend des cantiques, des chants. Avant de prendre conscience de soi, tout être a attendu que vînt cet homme : le pâtre obscur en qui vivait Tityre, Philoctète, Fanny ou Clarisse, le bonheur, qui se lève près de la fiancée, le pêcheur qu’effrayent des brouillards d’orage, le bel espoir couché le long des blés, Ophélie et Albine, la plage et la forêt, cet impalpable azur, le pain et la huche, la clef et la lampe : tout se confie à lui et il dispose de tout, — extases, magnificences, ferveurs, — il exprime l’émotion dont gronde, énorme, le monde.