Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/233

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déplut, et vous vous rappelez de quel furieux dépit j’ai moi-même accueilli vos désespoirs. Ensuite ce fut une habitude. Cette solitude vous enchanta. J’ai pu développer, de votre apparence les instincts qui étaient d’accord avec moi-même, je vous ai voulue docile et ardente. Quoique notre amour semblât fort vertueux, je n’eus point de cesse qu’il ne prît du charme, et des luxures firent notre âme frénétique. »

« Afin de préserver notre adorable amour de la décrépitude et des fluctuations, je souhaitai qu’une retraite d’hiver en fut le monotone asile. — En effet, nous vîmes peu de gens. Les péripéties des cités, et les terrifiantes catastrophes desquels le choc les bouleversa, ne nous ont pas trouvés propices, ni disponibles. Cela ne nous importait pas. Quelle que fut l’épouvante des peuples, nous n’en restions guère stupéfiés, si bien que les bruits du dehors se heurtaient sur la solide porte, le mur de stuc, les persiennes vertes. »

« Ainsi nous vécûmes en repos. Les félicités que nous en conçûmes n’ont rien d’héroïque ni de prodigieux, mais leur qualité nous convint. Après quelque temps de torpeur, ces petites circonstances nous parurent plus terribles que les calamités des races. Il ne m’eut pas été loisible d’en être un seul instant distrait, car vous en étiez très émue, et vous avez su me tirer des larmes, au sujet d’une écuelle cassée, des laitages ou des neiges épaisses. Les événements considérables, dont les plus quotidiennes gazettes vinrent nous apporter la nouvelle, parurent tout dépourvus de prix. La mobilité de l’amour nous émouvait davantage ; quoique ce sentiment paraisse peut-être factice, nous ne l’éprouvâmes