Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/79

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Mais, chacun semble isolé. Leurs désirs se contrarient. Leurs pensées bavardent, pérorent,’étrangères. Et on ne sait rien, et personne, jamais ne sera compris.

Ils rient, se saluent, cueillent des fleurs ; ils jouent leur rôle dans la villageoise comédie ; les uns s’embellissent de vertus dont l’authenticité et la magnificence n’excusent pas pourtant qu’ils s’eninfatuent. Leur présomption les courtise. Ils se surprennent à s’aimer. La haie vivace de leur enclos limite tout leur univers. Le soin des plates-bandes, des pierreries, du ciel, sollicite leurs jours. Ils régentent le monde selon leurs besoins. La méditation du soleil n’absorbe pas celle de leur âme. Leur sort est d’être immobiles. Il ne faut point qu’ils quittent l’antique habitation où naquit, vécut, expira leur race. Ils sont bien au lieu où ils apparaissent ! Ils ne connaîtront rien au-delà de leur mur. Tout ce qui les tente y reste enfermé. La médiocrité de leur vie contente celle de leur pensée. Au reste nul n’est sublime comme leur mission heureuse.

Cependant ces hommes, quelques fois,- si hostiles qu’ils soient, se rencontrent. On dirait que Dieu même est descendu sur terre afin de recréer les choses.

A l’aube, par des soirs d’aromates, d’exceptionnels zéphyrs apportent sur la plaine des grappes de feuillages. La terre semble attentive pour’ l’accueil du soleil. Les charmilles plient et se balancent, retentissantes. Ainsi les prés, les bois profonds, l’opaque flot qui écume aux berges, les halliers verts, les champs à l’approche du printemps, palpitent, éblouissants d’anxiété. ,,

Une attente semblable étreint les nations.