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Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/83

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retentit. Chacun délaissa le travail du jour afin de présenter l’offrande de sa tristesse comme pour une peine commune. Yerdâtre, azuré et fluide, le ciel parut tout humecté de l’amertume qui monte des mers. Les blés bruirent ; on n’entendit plus les rossignols ; le bois, scintillant de citrons, se tut. Puissamment les sapins, hérissèrent leurs crêtes glauques, faites de fortes feuilles rudes et toutes reluisantes.

On s’apitoya sur tant d’innocence. Quiconque l’avait connue en déplora la perte. Tout à coup l’effroi enfiévra. Hagard, le vent sonnait sur les cimes orageuses. L’horizon contint la terreur du monde.

Accroupies, profondes, basses aux toits crépus, les chaumières, sises non loin des flots, apparurent mélancoliquement, recéleuses de nuits entre leurs flancs blancs ! Nous primes peur, sans doute à cause de la mer. On se ressouvint ; l’épouvante passa. O le coq qui dresse l’éclat écarlate de son panache d’or, ô la table en bois peint, le portail de hêtre ; et l’âne et le bœuf ! L’intimité entrevue, à travers les claies, la haie, les charmilles, cela désola. Quoi, cette pure petite fille ne chuchoterait plus au milieu des herbes résineuses, sous l’ombrage embaumé et solennel du bois ! L’escabeau où elle s’assit l’attendrait vainement dans le cré« puscule. Elle n’entrerait plus jamais dans l’étable empourprée, frémissante de coqs, de pailles scintillantes et d’oiseaux ! Tristesse infinie des choses disparues quand tant de fleurs, d’enfants, de bêtes familières, de rocs, de fontaines les attendent encore, espèrent leur-venue !

De tels sentiments enfiévraient d’émoi ces habitants