Page:Bouhélier - L’Hiver en méditation, 1896.djvu/97

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qu’il a écrites, palpitent cadencées par une intense fièvre. Les fines pulsations de son sang en scandaient les distiques tremblants. Rien, nulle part ni dans aucune race ne possède cette frénésie là !

Il a suffi à ce grand homme d’une ligne de soleil et d’une roide guirlande pour établir les plus pathétiques relations entre une femme, Dieu et son âme même. En quelqu’endroit qu’il allât, je pense qu’il contemplait toujours le blanc foyer, l’enfant, l’épousée adorable. Près du feu, sous l’ardente lampe d’or dont la blancheur tombante fait des ronds sur le sol, il se recueillit avec amertume. Il a composé d’étranges élégies d’une grâce alanguie et inusitée. Ce fut un poète cérébral. Il n’a jamais pris garde qu’à soi. Le culte de sa mélancolie l’exalta jusqu’aux anges tragiques. Sa conception de l’univers s’est limitée sans doute à la vue qu’il en eut parmi la pièce glacée où il vécut. Certes, je ne connais pas un homme de qui l’existence fut plus solitaire, plus restreinte à soi et à Dieu.

Sa sensibilité prodigieuse et exquise ne l’a point conduit vers les champs, la tribu urbaine, ni le vieux hameau. — S’il communiqua avec Dieu, ce ne fut point par l’entremise de la forêt, des teintes de l’aube, des aromates, du sombre encens, des lignes subtiles de l’horizon, mais une extrême fièvre cérébrale bouleversait les jours de sa vie.

Ah ! l’extraordinairegrand homme ! D’un traitminusculeil évoque les plus émouvantes détresses de l’âme. Bien qu’il ne chante jamais que soi, il sut nous faire verser de sublimes larmes. Il ne raffina aucunement.