Page:Bouilhet - Œuvres, 1880.djvu/152

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Un flot bleu de soleil illumina les ombres,
Et, debout sur le seuil, jetant au loin ses yeux,
Il but à pleins poumon le vent libre des cieux !
Le monde bruissait comme un essaim d’abeilles,
L’avenir se levait dans des teintes vermeilles…
Il s’élança d’un bond vers les destins nouveaux ;
Là, préludant sans peur à ses rudes travaux,
Il brisa, pour toujours, les croyances bénies
Sous le marteau fatal des grandes ironies,
Et sa rébellion, comme un vent furieux,
Emporta dans l’oubli le dernier de ses dieux !
Pareil au noir mineur qui marche sous la terre,
L’homme accrocha sa lampe au fond de tout mystère,
Et, pour trouver le mot du Fatum souverain,
Il fit passer le monde à son creuset d’airain ;
Ses fourneaux où, la nuit, grinçaient des feux sonores,
Allumaient tout à coup de lugubres aurores,
Tandis qu’on entendait, dans l’ombre des cités,
Râler entre ses bras les éléments domptés !
Alors, sur ton sein nu posant sa main brutale,
Nature, il déchira ta robe virginale !
Sentinelle immobile au bord des cieux profonds,
Epiant le chemin des astres vagabonds,
Du bout de son compas, sur les nocturnes voiles,
Comme des papillons il piqua les étoiles !
Puis, un jour qu’il rêvait, penché sur les flots verts,
Il crut voir dans la brume un second univers,
Et tira, tout joyeux, de la vague féconde
Son filet ruisselant où s’était pris un monde !