Page:Bouilhet - Dernières chansons.djvu/28

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les choses une étiquette pour se dispenser d’y revenir.

Je voudrais bien n’avoir pas l’air d’insulter les dieux. Mais qu’on m’indique, chez Musset, un ensemble quelconque où la description, le dialogue et l’intrigue s’enchaînent pendant plus de deux mille vers, avec une telle suite de composition et une pareille tenue dans le langage, une œuvre enfin de cette envergure-là ? Quel art il a fallu pour reproduire toute la société romaine d’une manière qui ne sentît pas le pédant, et dans les bornes étroites d’une fable dramatique !

Si l’on cherche dans les poésies de Louis Bouilhet l’idée mère, l’élément génial, on y trouvera une sorte de naturalisme, qui fait songer à la Renaissance. Sa haine du commun l’écartait de toute platitude, sa pente vers l’héroïque était rectifiée par de l’esprit ; car il avait beaucoup d’esprit, — c’est même une face de son talent presque inconnue ; il la tenait un peu dans l’ombre, la jugeant inférieure. Mais, à présent, rien n’empêche d’avouer qu’il excellait aux épigrammes, quatrains, acrostiches, rondeaux, bouts-rimés et autres « joyeusetés » faites par distraction, comme débauche. Il en faisait aussi par complaisance. Je retrouve des discours officiels pour des fonctionnaires, des compliments de jour de l’an pour une petite fille, des stances pour un coiffeur, pour le baptême d’une cloche, pour le passage d’un souverain. Il dédia à un de nos amis blessé en 1848, une ode sur le patron de la Prise de Namur