Page:Bouilhet - Dernières chansons.djvu/30

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seul poème scientifique de toute la littérature française qui soit cependant de la poésie. Les stances à la fin sur l’homme futur montrent de quelle façon il comprenait les plus transcendantes utopies ; et sa Colombe restera peut-être comme la profession de foi historique du xixe siècle en matière religieuse. À travers cette sympathie universelle son individualité perce nettement ; elle se manifeste par des accents lugubres ou ironiques dans Dernière Nuit, À une femme, Quand vous m’avez quitté, boudeuse, etc., tandis qu’elle éclate d’une manière presque sauvage dans la Fleur rouge, ce cri unique et suraigu.

Sa forme est bien à lui, sans parti pris d’école, sans recherche de l’effet, souple, véhémente, pleine et imagée, musicale toujours. La moindre de ses pièces a une composition. Les rejets, les entrelacements, les rimes, tous les secrets de la métrique, il les possède ; aussi son œuvre fourmille-t-elle de bons vers, de ces vers tout d’une venue et qui sont bons partout, dans le Lutrin comme dans les Châtiments. Je prends au hasard :

― S’allonge en crocodile et finit en oiseau[1].

— Un grand ours au poil brun, coiffé d’un casque d’or.

— C’était un muletier qui venait de Capoue.

— Le ciel était tout bleu, comme une mer tranquille.

— Mille choses qu’on voit dans le hasard des foules.

  1. Pour décrire un ptérodactyle.