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MELÆNIS


« Ce que je veux, dit-elle, écoute : c’est la vie
» Que j’avais autrefois au fond de la cité,
» Tout ce que j’ai perdu, tout ce qu’un soir d’été
» Tu m’as pris en jouant. Ô démence et folie !
» J’ai versé tant de pleurs dans mes nuits d’insomnie
» Qu’il ne me connaît plus et qu’il passe à côté !… »

Les sanglots étouffés soulevaient sa ceinture ;
« Melænis ! » dit Paulus en étendant la main.
Elle reprit : « Je suis la courtisane impure !
» La foule aux mille pieds, comme sur un chemin,
» A marché sur mon cœur ; mais, malgré sa souillure,
» J’en garde assez encor pour en mourir demain !

» Donc, j’ai pleuré longtemps, dans mon oubli perdue,
» Depuis que loin de moi ton amour s’envola ;
» Les hommes, ô Paulus, ne savent pas cela…