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la terre allait être complètement bouleversée, lorsque Vichnou parut sous la forme d’une tortue gigantesque ; il supporta le monde sur sa vaste écaille et empêcha la catastrophe qui allait l’anéantir. Grâce à cet appui, elle put reprendre sa marche accoutumée, et l’univers rentrer dans son ordre éternel. Vichnou eut encore à manifester sa puissance contre d’autres géants. L’un d’eux, nommé Erouniakcha, s’était emparé du globe terrestre et l’emportait au fond de l’abîme. Vichnou, prévenu du danger que courait notre planète, se métamorphose en sanglier, se met à la poursuite du géant, l’atteint, le terrasse et reprend la terre. Le divin sanglier charge alors son précieux fardeau sur ses vastes défenses et le rapporte en vainqueur. À quelque temps de là, Erounya, autre géant dont l’impiété semait la corruption parmi la race humaine et dont l’orgueil scandalisait les dieux, eut à ressentir aussi la force redoutable de Vichnou. Erounia, fort d’un oracle de Brahmâ qui lui avait promis qu’il ne mourrait ni le jour, ni la nuit, ni par l’eau, le feu ou le fer, sous les coups d’aucun être humain, insultait souvent les dieux. Vichnou, dont il avait méprisé la puissance, prenant la forme d’un être moitié homme, moitié lion, s’élança sur le géant à l’heure du crépuscule, alors qu’il n’est ni jour ni nuit. Un combat terrible s’engagea entre les deux adversaires ; Vichnou déchira le géant de ses dents redoutables et sortit vainqueur de la lutte : c’est là sa quatrième incarnation. La cinquième eut lieu dans les circonstances suivantes : le géant Mahabali avait usurpé la souveraineté des trois mondes, la terre, le ciel et les enfers ; de là, grande colère des dieux. Ce fut Vichnou qui se chargea de venger cette usurpation. Il prit la figure du brahme-nain Vamana, et se présenta devant l’orgueilleux géant ; il le pria de lui donner en présent autant de terre qu’il en pourrait mesurer de trois de ses pas. Mahabali se rendit à un désir qui lui paraissait sans importance ; il s’engagea même, sous serment, à tenir sa promesse. Alors le nain, grandissant tout à coup, devint un géant d’une taille prodigieuse, qui d’un pas mesura la terre, de l’autre le ciel ; du troisième il allait franchir les enfers, lorsque Mahabali, s’avouant vaincu, reconnut Vichnou, tomba à ses pieds et se soumit à son autorité. Par commisération, le dieu laissa au géant la souveraineté des enfers. Vichnou apparaît ensuite (6e avatar), sous la forme terrible de Paraçou-Rama (ou Rama à la hache de guerre), dont la mission fut d’humilier et de détruire la race dégénérée de Kchatriyas, ou guerriers. Dans ses autres transformations, Vichnou manifeste sa puissance sous une forme beaucoup plus noble ; on y reconnaît le progrès intellectuel d’une époque plus rapprochée de nous et plus civilisée. Septième avatar : le dieu, sous le nom de Rama-Tchandra, descend sur la terre pour la délivrer des mauvais génies qui l’infestaient, et surtout du terrible géant Ravana, tyran de Lanka (l’île de Ceylan). Pendant le séjour que Vichnou fit alors sur la tere, il épousa une mortelle d’une beauté merveilleuse, nommée Sita, fille de Djanaka, roi de Mithilâ. Rama vivait heureux avec son épouse, lorsqu’elle lui fut enlevée par le géant Râvana. Rama, ne voulant pas laisser le ravisseur paisible possesseur de son précieux larcin, fit alliance avec plusieurs tribus sauvages, et, les menant avec lui, se mit à la poursuite de Râvana, lui livra une bataille sanglante et le tua. La belle Sitâ fut le prix du vainqueur. Dans son huitième avatar, on voit Vichnou, sous le nom de Crichna, parcourant l’Inde, délivrant les peuples de leurs tyrans et des brigands qui désolaient les différents pays qu’il traversait, profitant de son séjour chez un peuple pour lui donner des préceptes de sagesse et des exemples de vertu. Vichnou continue ce noble rôle dans sa dernière apparition sur la terre. C’est lui qui, sous le nom de Bouddha, est le saint et le sage par excellence ; il quitte le monde pour aller méditer au désert, entouré seulement de cinq disciples favoris. Un jour il abandonna sa solitude, et vint à Bénarès prêcher une doctrine nouvelle à laquelle il convertit des peuples entiers, jusqu’à ce qu’enfin, son temps étant accompli, il s’éleva dans le ciel. Dans sa dixième et dernière transformation, qui aura lieu à la fin des temps, Vichnou apparaîtra sous la forme d’un cheval de feu du nom de Kalki ; il frappera la terre du pied, la réduira en poussière, et précipitera les méchants dans les abîmes de l’enfer ; mais les germes des êtres seront conservés pour le jour où renaîtra le monde. Vichnou est représenté couvert d’un riche costume ; il a quatre mains qui portent comme attributs une massue, un disque, une conque et un lotus ; quelquefois on lui donne quatre têtes ; il a pour monture Garouda, vautour à tête humaine.

Civa. — Bien que frère de Vichnou, Civa en est le plus implacable adversaire ; il nous est déjà connu par les exploits de son frère, car c’est contre lui que lutte Vichnou dans ses combats en faveur de la terre et de ses habitants. C’est Civa qui prend la forme de ces génies malfaisants, de ces terribles géants qui menacent de détruire l'œuvre du Créateur. On représente Civa avec quatre mains et cinq têtes, dont la principale a trois yeux. Le taureau Nandi lui sert de monture. Lorsque Civa est figuré menaçant et terrible, il montre des dents aiguës, le feu jaillit de ses lèvres entrouvertes, un diadème de crânes humains ceint sa chevelure flamboyante et un collier pareil entoure sa poitrine ; autour de ses bras et de son corps s’enroulent des serpents ; il tient en ses mains l’épée, la tance et la flamme ; tout son corps est d’un blanc cendreux, image formidable de l’incandescence et de la destruction qui l’accompagnent ; à ses côtés est placé un tigre. Sa femme est Bhavani, tour à tour déesse conservatrice et guerrière. On la voit, comme son époux, tuer les géants, punir les méchants, envoyer sur la terre les maux et les maladies. C’est en l’invoquant que les thougs, ou étrangleurs, égorgent leurs victimes. On la représente avec quatre ou huit têtes, huit ou seize bras ; en ses mains sont la roue de feu, l’épée, l’arc, les flèches, le formidable lacet et le vase à recevoir le sang. Comme son époux, un collier de crânes humains serpente sur son sein ; le croissant de la lune brille sur sa tête.