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distribue les indulgences, signe les concordats, etc. Comme prince temporel, il gouvernait avec un pouvoir absolu la ville de Rome et les États de l'Église; il entretient encore près de plusieurs cours des légats ou nonces, qui représentent à la fois son double pouvoir. Le pape porte une triple tiare, symbole de son triple pouvoir comme chef de l'Église, évêque de Rome, et souverain temporel des États romains, sur lesquels il maintient ses droits contre le roi d'Italie; il tient à la main une clef d'or et une clef d'argent, qu'on nomme les clefs de S. Pierre : c'est le symbole du pouvoir qui lui a été donné de lier et de délier. Il est élu par les cardinaux dans le conclave, et est choisi parmi eux : l’élection est suivie de l’exaltation, dans laquelle le nouveau pape, placé sur son siège pontifical, est porté sur les épaules à l'église St-Pierre. Après l'exaltation a lieu le couronnement du pape.

Le nom de pape, du grec pappas, qui signifie père et aïeul, se donnait autrefois à tous les évêques; ce n'est que depuis Grégoire VII (1073) qu'il a été appliqué exclusivement au souverain pontife. La suite des papes remonte sans interruption jusqu'à S. Pierre, qui avait été choisi par Jésus-Christ lui-même pour lui succéder, et qui fonda le siége de Rome. La suprématie de ce siége fut reconnue dès l'origine : l'histoire nous montre dès les premiers siècles Rome exerçant son autorité sur les autres Églises et celles-ci recourant à elle pour les points en litige. Quand la capitale de l'empire eut été transférée à Constantinople, les évêques de cette ville obtinrent du concile de Constantinople (380) le 1er rang dans l'Église après l'évêque de Rome, avec quelque autorité sur les autres églises d'Orient; mais, élevant de plus en plus leurs prétentions, ils finirent par s'attribuer une autorité égale à celle des papes, ce qui amena le Schisme d'Orient (V. ce mot). — Dans les 1ers siècles, les papes ne possédaient qu'un pouvoir spirituel, et ils obéissaient aux empereurs ou aux princes qui les représentaient en Italie. Constantin les dota richement, mais il ne leur fit point cette célèbre donation que l'on a quelquefois alléguée; ce n'est que du VIIIe s. que date leur pouvoir temporel. Il naquit vers 726, à la suite de l'expulsion du duc grec de Rome. Quelques années plus tard, Pépin le Bref (755) et Charlemagne (775), après avoir abattu les Lombards, donnèrent aux papes une partie des États conquis (l'exarchat de Ravenne, la Pentapole, puis le Pérugin et le duché de Spolète), et en firent ainsi une puissance terrestre. La donation faite au St-Siége par la grande-comtesse Mathilde du territoire appelé depuis Patrimoine de St-Pierre (V. ce nom) accrut encore leur pouvoir temporel (1077). Au moyen âge les papes jouent un rôle de plus en plus important : ils civilisent les peuples, propagent la religion, prêchent ou encouragent les Croisades; arbitres de l'Europe, ils sont les médiateurs des princes dans leurs différends et poursuivent jusque sur le trône le crime ou l'infamie; mais souvent aussi, outre-passant les bornes de la puissance spirituelle, ils vont jusqu'à déposer les souverains, à délier les sujets du serment de fidélité et à lancer l'interdit sur les royaumes; ce qui donne lieu à des luttes longues et sanglantes. C'est surtout avec l'Empire et la France qu'eurent lieu ces querelles, qui mirent l'Europe en feu (V. INVESTITURES, GUELFES, GIBELINS, GRÉGOIRE VII, BONIFACE VIII, HENRI IV et V, empereurs, PHILIPPE LE BEL, etc.). — En 1309, le pape Clément V va se fixer à Avignon, et ses successeurs continuent à y résider jusqu'à Grégoire XI, qui retourne à Rome en 1377; pendant tout ce temps, ils sont sous l'influence des rois de France. A la mort de Grégoire XI, éclate le grand Schisme d'Occident qui dura 71 ans (1378-1449), et pendant lequel on vit régner simultanément deux séries de pontifes qui résidaient les uns à Rome, les autres à Avignon ou ailleurs, et qui s'anathématisaient réciproquement. Vers le même temps, les papes voient leur puissance attaquée par divers novateurs qui prétendent réformer l’Église : Wiclef, Jean Huss, Jérôme de Prague, ouvrent la voie dès le XIVe et le XVe siècles; au XVIe, Luther, Zwingle, Calvin les suivent et trouvent de nombreux partisans en Allemagne, en Suisse et jusqu'en France; Henri VIII sépare l'Angleterre de l'Église romaine. Depuis cette époque, l'intervention des papes dans les affaires temporelles a été de plus en plus rare, et leur puissance de plus en plus limitée; ils virent même en France leur autorité soumise à certaines restrictions : déjà la Pragmatique sanction de 1438, sous Charles VII, avait eu ce but; quelque temps suspendue par Louis XI, elle fut remplacée sous François I par le Concordat de 1516; en 1682, une célèbre Déclaration du clergé de France, formulée par l'organe de Bossuet, posa des limites de l'autorité spirituelle et de l'autorité temporelle (V. ÉGLISE GALLICANE); enfin les relations de la France avec l'Église romaine furent fixées en 1801 par le Concordat. — Pour l'histoire des variations du pouvoir temporel des papes, V. ROMAINS (États).

Le mode d'élection des papes a subi diverses modifications. Primitivement, l'élection était faite conjointement par le clergé et le peuple de Rome; bientôt le clergé y obtint la principale part. Longtemps le choix dut être confirmé par le prince; souvent même les empereurs d'Allemagne s'arrogèrent le droit de nommer les papes par eux-mêmes. L'empereur Henri II, en 1014, rétablit la liberté d'élection. A partir de 1060, le droit d'élire fut réservé aux seuls cardinaux; enfin Grégoire X, en 1274, ordonna, pour abréger les délais, que l'élection se fît en conclave. Le pape peut être choisi dans toutes les nations catholiques, et en effet on a vu jusqu'au XVIe s. des papes de diverses nations : 14 français, 7 allemands, 12 espagnols, 2 savoisiens, 1 anglais, 1 portugais, 1 hollandais; mais, l'immense majorité des souverains pontifes appartient à l'Italie, et depuis le XVIe s. il n'a été élu que des papes italiens. Une fois élus, les papes changent ordinairement de nom : Adrien III, élu en 844, est le 1er qui ait donné cet exemple.

Liste chronologique des papes.
S. Pierre, 34 S. Jules I, 337
S. Lin, 168 S. Libère, 352
S. Clet ou Anaclet, 78 Félix II, 355
S. Clément I, 91 S. Libère, de nouv., 358
S. Évariste, 100 S. Damase, 366
S. Alexandre, 109 Ursin, anti-pape, »
S. Sixte I, 119 S. Sirice, 384
S. Télespnore, 127 S. Anastase, 398
S. Hygin, 139 S. Innocent I, 402
S. Pie I, 142 S. Zozime, 417
S. Anicet, 157 S. Boniface I, 418
S. Soter, 168 S. Célestin I, 422
S. Éleuthère, 177 S. Sixte III, 432
S. Victor I, 193 S. Léon I, le Grand, 440
S. Zéphirin, 202 S. Hilaire, 461
S. Calixte I, 519 S. Simplice, 468
S. Urbain I, 223 S. Félix III, 483
S. Pontien, 230 S. Gélase, 492
S. Anthère, 235 S. Anastase II, 496
S. Fabien, 236 Symmaque, 498
S. Corneille, 251 Laurent, anti-pape, »
Novatien, anti-pape, 251 Hormisdas, 514
S. Luce I, 262 Jean I, 523
S. Étienne I, 253 Félix IV, 526
S. Sixte II, 257 Boniface II, 530
S. Denys, 259 Jean II, dit Mercure, 533
S. Félix I, 269 Agapet I, 535
S. Eutychien, 275 Silvère, 536
S. Caïus, 283 Vigile, 537
S. Marcellin, 296 Pélage I, 555
Vacance du St-Siége, 304-308 Jean III, 560
Benoît I, Bonose, 574
S. Marcel, 308 Pelage II, 578
S. Eusèbe, 310 S. Grégoire I, le Grand, 590
S. Melchiade, 811 Sabinien, 604
S. Sylvestre I, 314 Boniface III, 607
S. Marc, 336 Boniface IV, 608