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LA CHANSON DU RÉMOULEUR


I

Jadis, en la paix des familles,
Ma meule chantait sa chanson ;
J’aiguisais serpes et faucilles
Pour la vendange et la moisson.
Mais un jour, pour un peu de terre,
Deux tribus en vinrent aux mains.
J’aiguisai la faux de la guerre :
La faux moissonna les humains.

Mes bons messieurs, mes bonnes dames,
N’oubliez pas le rémouleur !
Les couteaux, les ciseaux, les lames,
Grâce à moi tout devient meilleur.

II

Ce que j’en ai fourbi d’épées !
Un peuple après l’autre s’en sert.
Bon Dieu ! si les têtes coupées
Pouvaient parler, quel beau concert !
Chacune à mon art rendrait grâces
D’avoir tranché vif leur orgueil
Et tous les préjugés de races,
Qui ne font la paix qu’au cercueil.