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cap sizun

Les sentiers sont si souvent funestes aux riverains et à leurs animaux qu’on ne compte plus les accidents.

Les rochers eux-mêmes ont leurs histoires… Un professeur du petit séminaire, des douaniers, des promeneurs y ont trouvé la mort… La mer est ici plus traîtresse qu’ailleurs ; sournoisement, une lame de fond se lève, s’enfle à la surface, enlève l’imprudent qui se débat un instant et ne reparaît plus, il n’en est pas un exemple…

Et l’avare Achéron, ne lâche point sa proie.

Une nouvelle lame de fond a ramené le cadavre dans quelque grotte sous la falaise, congres et crabes feront festin, et nous, à la suite, nous mangeons congres et crabes… Nous devenons anthropophages… Bah ! un philosophe l’a dit :

Les petits cochons mangent la m… et nous mangeons les petits cochons.

Le long des côtes, nombreux cormorans. Quelques roches sont couvertes de guano… Le printemps est la saison des nids, et l’on en voit assez gourmands, assez gourmets, je dois dire, pour aller prendre le jeune cormoran au nid, quand un léger duvet les recouvre à peine… Un marin me disait : « Il faut dire qu’ils sont loin d’être difficiles. » Les pigeonneaux ne sauraient donner une idée de la délicatesse, de la saveur de la chair du jeune cormoran. C’est distingué, comme toujours le superlatif qu’ils emploient est celui-là.

Dans quelques rares criques (un ou deux), bien à l’abri, on possède une petite barque, et la chasse au cormoran est une distraction ; on la procurait il y a quelques années au romancier Pierre Maël… Est-ce à cette promenade qu’il doit l’idée de son roman Les Pilleurs d’Épaves ? C’est dans ces parages qu’il met le nœud de l’action de son feuileton.