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L’AFFAIRE SHAKESPEARE.

Ferdinando, frère aîné de William, avait été mêlé, bien malgré lui, à un complot ourdi par les catholiques d’Angleterre, unis aux Jésuites et à l’Espagne, et dont un de ses cousins était l’âme. Il s’agissait de renverser Élisabeth et de mettre à sa place le comte de Derby, Ferdinando Stanley lui-même, sur le trône. Celui-ci, aux premières ouvertures qu’on lui fit, dénonça immédiatement les conjurés. Il fut empoisonné en 1594, et les catholiques reportèrent leurs espoirs sur le nouveau comte, William Stanley. Mais il fallait d’abord pressentir celui-ci. On chargea un agent secret, nommé Georges Fenner, de se renseigner, et c’est ainsi qu’il nous est parvenu de ce Fenner deux lettres, adressées l’une à un correspondant d’Anvers, l’autre à un correspondant de Venise, où on lit, en des termes à peu près identiques, la petite phrase qui suit :

Le comte de Derby est uniquement occupé à écrire des pièces pour les comédiens professionnels.

Les deux lettres furent sans doute saisies par le gouvernement de la reine, et c’est pourquoi elles se trouvent aujourd’hui conservées dans les State Papers. Elles nous apprennent que le comte de Derby était plongé en 1599 dans la composition de pièces de théâtre, et s’y absorbait si fort qu’il ne prenait nul intérêt à la politique. L’agent Fenner avait surpris ce secret merveilleusement intéressant pour nous et le communiquait à ses mystérieux correspondants pour qu’ils en fissent leur profit.