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LE MORT DE JEÛNE

Là-dessus, messire Gauvain voulut se jeter sur le sénéchal. Yvain, qui était assis à son côté, le retint ; mais Gaheriet, courroucé d’entendre traiter ainsi son frère, s’avança et donna un tel soufflet à Keu que toute la salle en résonna et qu’il l’abattit aux pieds de monseigneur Gauvain.

— Orgueilleux truand, parlerez-vous encore ? Si le roi mon oncle et ces autres prud’hommes n’étaient céans, je vous jetterais par cette fenêtre !

Keu voulait se précipiter sur Gaheriet, mais messire Yvain et Merlin les séparèrent. Le roi, en colère, s’était levé et la chambre emplie de chevaliers. Alors messire Gauvain conseilla à son frère de quitter la salle, ce que Gaheriet fit aussitôt. Là-dessus, Sagremor arriva, s’informant de ce qu’il y avait. Merlin le prit par la main et le fit asseoir près de lui pour détourner son attention ; mais le roi dit une parole maladroite :

— Je veux, déclara-t-il, que Keu rende à Gaheriet le soufflet qu’il en a reçu devant moi !

— Sire, répondit sagement messire Gauvain, laissez passer ce jourd’hui. Demain nous ferons leur paix. Cependant défendez à votre sénéchal de donner des surnoms à de meilleurs que lui, et qui vous aident à défendre votre terre !

— Qu’y a-t-il donc ? demanda Sagremor.

Merlin dut lui conter l’histoire d’un bout à l’autre et il ne fit qu’en rire. Mais le roi, irrité contre son neveu, lui répondit que Gaheriet avait frappé son sénéchal devant lui par dédain, et