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CŒUR SANS FREIN

était sur l’œil et fort bien disant. Pourquoi pleurez-vous ?

— Laissez, beau sire doux, répondit Pharien, car vous ne gagneriez rien à le savoir, sinon d’être dolent et irrité.

— Par la foi que dois à l’âme du roi Bohor, mon père, je ne mangerai plus devant que je sache pourquoi vous avez pleuré, et par la foi que vous me devez, je vous conjure de me le dire !

— Sire, je pleure parce qu’il me souvient de la hautesse où votre lignage a été durant longtemps. Comment ne serais-je triste, moi qui vous vois en prison quand un autre tient sa cour où vous devriez avoir la vôtre et porte couronne en cette ville qui devrait être votre principale cité ?

Lionel avait reçu son nom parce qu’il portait sur sa poitrine une tache vermeille en forme de lion. C’était le cœur d’enfant le plus ouvert qu’on ait jamais connu ; plus tard, le jour même que le roi Artus le fit chevalier, Galehaut, le fils de la belle géante, sire des Étranges Îles, l’appela « cœur sans frein ». Quand il entendit son maître parler ainsi, l’enfant repoussa si rudement la table qu’il la renversa, et courut tout au haut de la maison où il s’assit dans l’embrasure d’une fenêtre pour réfléchir.

Pharien vint le rejoindre là au bout d’un moment.