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MERLIN L’ENCHANTEUR

femmes, de manière que personne ne soupçonnait la vérité.

En ce temps vint à la cour une pucelle, fille d’un duc d’Allemagne, qui prit du service en guise d’écuyer et sous un habit d’homme. Comme elle était grande, droite et membrue, et qu’elle avait accompli maintes prouesses, l’empereur l’arma chevalier, à la Saint-Jean, en même temps que plusieurs damoiseaux ; puis elle devint son sénéchal. Et elle avait nom Avenable, mais elle se faisait appeler Grisandole ; et tout le monde la prenait pour un homme.

Une nuit que l’empereur était couché auprès de l’emperière, sa femme, il rêva qu’il voyait une grande truie dont les soies traînaient jusqu’à terre. La bête portait sur la tête un cercle d’or et il lui semblait qu’il la connaissait, mais il n’eût pu dire qu’elle lui appartenait. Douze louveteaux vinrent, qui la saillirent ; puis elle s’éloigna avec eux. Il rêva encore qu’il demandait conseil sur ce qu’il devait faire de la truie, et qu’on lui répondait qu’elle devait être jetée au feu avec les louveteaux.

L’empereur s’éveilla tout effrayé de cette vision ; mais il n’en sonna mot à sa femme, car il était sage. Seulement, au retour de la messe, quand il s’assit à son haut manger, il demeura pensif, et si longtemps que ses barons s’en étonnèrent.

À ce moment, on entendit une rumeur. C’était