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MERLIN L’ENCHANTEUR

traîner par les cheveux. Et elle était tellement enrouée qu’à peine pouvait-elle encore appeler au secours.

Reconnaissant sa mère, Gauvain sentit son cœur se serrer au point que pour un peu plus il en eût perdu le sens.

— Mécréant ! cria-t-il en brochant des éperons tant rudement que le sang jaillit des flancs de son destrier, ah ! traître ! Saine ! laissez cette dame ! Jamais, en nul jour de votre vie, vous n’avez commis folie qui vous doive coûter si cher !

Déjà, suivi des siens, il était sur les païens, qui tous deux furent tués avant d’avoir pu se reconnaître. Et les quatre frères sautaient de leurs chevaux sur le cadavre du ravisseur de la reine, et l’un lui coupait la tête, l’autre lui tranchait les deux bras, l’autre lui fichait son épée dans le corps, l’autre le frappait à coups d’estoc. Puis ils coururent à leur mère, pleurant à chaudes larmes et tordant leurs poings, si bien qu’en ouvrant les yeux elle se vit entre les bras de Gauvain, entourée de ses enfants. Alors, ayant rendu grâce à Notre Seigneur :

— Beaux fils, Gauvain, dit-elle, ne pleurez pas, car je ne suis que blessée. Hélas ! si je n’avais perdu mon fils Mordret et votre père, mon seigneur, qui a combattu presque seul contre cinquante païens, durant plus de temps qu’il n’en faudrait pour faire une demi-lieue à pieds !