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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

Et, dès que le sénéchal se fut éloigné, la reine releva par la main le chevalier agenouillé et le fit asseoir devant elle.

— Sire, lui dit-elle en riant, nous vous avons beaucoup désiré ; enfin, par la grâce de Dieu et de Galehaut, nous vous voyons ! Encore ne suis-je point sûre que vous soyez bien celui que je demande ; Galehaut me l’a dit, mais, si tel était votre bon plaisir, j’aimerais de l’apprendre de votre bouche. Qui êtes-vous ?

Lancelot, qui n’osait pas encore la regarder au visage, murmura qu’il n’en savait rien. Alors, voyant son trouble durer, Galehaut pensa qu’il serait plus à l’aise seul à seule, et d’une voix assez haute pour que les demoiselles l’entendissent :

— Je suis bien vilain, s’écria-t-il, de laisser ces dames en compagnie d’un seul chevalier !

Et, à son tour, il fut s’asseoir auprès d’elles et se mit à deviser de maintes choses.

— Beau doux sire, disait cependant la reine, pourquoi vous cachez-vous de moi ? Vous pouvez bien confesser si vous aviez des armes noires, et si vous êtes celui qui vainquit le premier jour et le second.

— Dame, ce n’est pas moi.

Mais elle comprit ce qu’il voulait dire : c’est qu’il n’avait pas vaincu ; et elle ne l’en prisa que davantage pour sa modestie.