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LES AMOURS DE LANCELOT DU LAC

même lit, où toute la nuit ils causèrent de ce qui leur tenait à cœur.

Cependant la reine rêvait à une fenêtre. La dame de Malehaut, la voyant seule, s’approcha tout doucement :

— Ha ! murmura-t-elle, bonne est la compagnie de quatre !

Puis comme la reine faisait semblant de ne pas entendre, elle répéta :

— Comme est bonne la compagnie de quatre !

— Que voulez-vous dire ?

— Dame, j’ai peut-être parlé plus qu’il ne convenait. On ne doit pas prendre plus de liberté avec sa dame et son seigneur qu’ils n’en donnent, sous peine de s’en faire haïr.

— Par Dieu, je vous sais trop sage et trop courtoise pour rien dire qui soit propre à vous faire haïr. Parlez, je le veux et je vous en prie.

— Dame, j’ai vu comment vous vous êtes accointée au chevalier dans le verger. Vous ne pourriez mieux placer votre cœur, car vous êtes ce qu’il aime le plus au monde. Je l’ai tenu prisonnier longtemps ; ses armes vermeilles, ses armes noires, c’est moi qui les lui ai données. Avant-hier, quand je le vis pensif au bord de la rivière, je devinai bien qu’il vous aimait. Un instant, j’avais cru pouvoir obtenir son cœur… Las ! il me détrompa bientôt.

Et elle conta comment elle avait gardé Lancelot en sa prison durant un an et demi, et