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LA DEMOISELLE DE NORGALLES

du monde. Faites maintenant ce que le cœur vous dira.

Là-dessus elle s’en fut, et messire Gauvain tira son épée ; puis il vint prêter l’oreille à la porte : n’entendant rien que la respiration de vingt dormeurs, il traversa légèrement, au clair de la lune, la chambre aux chevaliers, et il entra dans celle de la pucelle dont il referma l’huis.

Dessus un des plus riches lits qu’il eût jamais vus, sous une couverture d’hermine, reposait une demoiselle de grande beauté. Messire Gauvain ôta son heaume, baissa sa ventaille et commença de la baiser tout doucement, si bien qu’elle s’éveilla en se plaignant un peu, comme femme qui sommeille.

— Sainte Marie Dame ! fit-elle en le voyant.

— Taisez-vous, douce amie, au nom de ce que vous aimez le plus au monde !

— Êtes-vous un des chevaliers de mon père ?

— Belle douce amie, je suis Gauvain, le neveu du roi Artus.

— Ha, fit-elle en souriant, vous m’avez causé la plus belle peur que j’aie jamais eue. Pourtant vous n’êtes pas fait d’une sorte à effrayer les pucelles.

Là-dessus, elle le baisa en le serrant dans ses bras, tout armé comme il était.

— Ôtez ce haubert, dit-elle encore : c’est un habit trop froid.