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HEUREUSE RENCONTRE

que les chevaux y entraient jusqu’à mi-jambe. Comme la demoiselle et ses compagnons traversaient un vaste pré, ils virent passer au loin, à la corne d’un bois, trois chevaliers tout armés, les écus au col, les heaumes lacés, prêts à se défendre comme à assaillir, suivis de leurs écuyers. Ils s’arrêtèrent, se montrant monseigneur Gauvain et Sagremor, et l’un d’eux ne tarda pas à se détacher et s’approcha au grand galop. Aussitôt, le desréé de s’élancer, lance sur feutre ; mais, au moment qu’il allait heurter l’inconnu, il leva son arme et tira si rudement sur le frein qu’il pensa renverser son destrier : il avait reconnu monseigneur Yvain. Celui-ci arrêta son cheval à son tour, et tous deux se firent de grandes amitiés. Keu le sénéchal et Giflet accouraient, étonnés : ils firent fête à monseigneur Gauvain et à Sagremor. Tous cinq résolurent de ne plus se séparer avant que d’avoir trouvé une aventure. Et ils continuèrent leur chemin, devisant et riant entre eux le plus gaiement du monde.

Le jour s’était peu à peu éclairci, le soleil rayonnait, chaud et vermeil, les oiselets gazouillaient doux et clair sous la feuillée, les rameaux des arbres heurtaient parfois les écus et les hauberts et les faisaient tinter à grande joie : si bien que Sagremor, qui chevauchait un peu en arrière, en causant avec sa mie qu’il tenait par le col, se prit à chanter une chanson de