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LE CHEVALIER FÉE

ami, lui a fait jurer de ne défier nul chevalier sans qu’elle le lui ait permis, et de ne pas jouter sans avoir un écu noir à gouttes d’argent qu’elle lui a fait faire. Hector souffre cruellement de se voir ainsi empêché ; il rêva, l’autre nuit, qu’il était provoqué par le chevalier Fée à la fontaine du Pin ; aussi, quoique ma nièce l’eût averti que songe n’est que mensonge, il s’est empressé d’y courir ce matin. Mais elle m’avait conté ce rêve, et j’ai fait porter à la fontaine ces lances qu’Hector croyait celles de Ségurade, et l’écu qui lui rappelait son serment, afin qu’il crût le songe réalisé. Et il riait ou pleurait, selon qu’il regardait les unes qui signifiaient bataille et gloire, ou l’autre qui signifiait paix et obscurité. S’il s’est laissé corriger comme il le méritait, c’est qu’il me redoute, pour ce que de mon vouloir dépend son mariage avec ma nièce. Maintenant, tu sais ce que tu voulais savoir. À toi de tenir ta promesse en combattant le chevalier Fée, car c’est contre lui que je compte t’employer. La dame de Roestoc, qui est ma dame lige, m’a mandé par lettre que le terme de son année approche et que j’aille à la cour du roi Artus, à force de chevaux, pour en ramener monseigneur Gauvain, comme si c’était chose aisée que de le trouver, lui qui est toujours errant ! Maudits soient les femmes et ceux qui les aiment ! Je t’amènerai au lieu de monseigneur Gauvain, quoique tu ne vailles pas