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GALEHAUT SIRE DES ÎLES LOINTAINES

douleur où je suis et la peine que je souffre ! Ha, douce reine, comme pâlirait votre beau visage vermeil, si vous connaissiez l’angoisse que je sens ! Ha, seigneurs chevaliers, compagnons de la Table ronde, Dieu vous maintienne pour l’honneur du roi Artus, et vous garde de venir où je suis présentement ! Ha, Galessin, beau cousin, certes vous eûtes grande douleur de me voir enlever ! Et vous, doux ami, Lancelot, si quelqu’un pouvait me secourir, ce serait vous ; mais Notre Sire veuille vous laisser ignorer où l’on m’a jeté, car si la Bretagne vous perdait, elle ne pourrait vous remplacer ! Ha, Galehaut, haut prince, Celui qui souffrit la mort pour nos péchés vous protège ! À Dieu soient recommandés tous mes amis, car je crois bien qu’ils ne me reverront plus !

Ainsi le gentil chevalier plaignait moins son malheur que la douleur que causerait son absence. Or, Dieu voulut qu’une demoiselle qui se promenait dans le jardin l’entendît gémir. Karadoc l’avait enlevée à un chevalier qu’elle aimait, et, bien qu’il fût épris d’elle, elle le haïssait plus que tout. Elle vint à la lucarne par où l’on donnait à manger à monseigneur Gauvain, et demanda qui lamentait de la sorte.

— C’est Gauvain, le neveu du roi Artus, qui ne sait qui lui demande son nom, ni si c’est pour son bien ou son mal.